Les jeux vidéo et le droit pénal

Bien que les jeux se déroulent dans un monde numérique et virtuel, les joueurs et les développeurs de jeux n’évoluent pas dans une zone de non-droit. Au contraire, les lois habituelles en vigueur dans le monde réel s’appliquent. Afin d’éviter tout conflit avec le droit pénal, il est donc judicieux de considérer les jeux et le comportement dans les jeux dans le contexte du droit pénal. Dans ce contexte, les principales dispositions pénales dans le contexte des jeux vidéo sont expliquées ci-après et il est précisé où se situe la limite du comportement autorisé par le droit pénal.

Représentations de la violence

L’article 135 du code pénal, interdit les représentations de la violence, est particulièrement important pour les développeurs et concepteurs de jeux vidéo. Les actes les plus divers sont interdits, entre autres la fabrication et la mise en circulation de représentations violentes. L’article de loi se réfère à des représentations particulièrement cruelles, dans lesquelles l’accent est mis sur l’infliction de graves souffrances physiques et psychiques (envers des personnes ou des animaux). Les représentations doivent être percutantes et porter gravement atteinte à la dignité élémentaire de l’être humain. Par conséquent, toutes les représentations de la violence ne sont pas concernées par la disposition pénale, mais seulement les plus brutales. Le seuil de punissabilité est donc élevé. Comme les jeux peuvent tomber sous le coup de la disposition légale, la production et la mise en circulation de jeux particulièrement cruels sont punissables. En revanche, la seule consommation de ces contenus n’est pas sanctionnée.

Délits contre l’honneur

Le code pénal punit les atteintes à l’honneur d’une personne. D’un point de vue juridique, l’honneur est en principe compris comme la réputation et le sentiment d’une personne d’être une personne « respectable ». Cela signifie que toute déclaration ou comportement négatif envers une personne n’est pas punissable. La déclaration doit plutôt avoir une certaine portée. Si une personne est simplement qualifiée de mauvais joueur ou de joueur déloyal, le seuil de l’atteinte à l’honneur punissable n’est pas encore atteint. Par ailleurs, les propos doivent en principe se rapporter à une personne déterminée et non à un groupe indéterminé. Les délits d’atteinte à l’honneur peuvent être commis de différentes manières. Parmi les comportements punissables, on compte tout d’abord la calomnie ainsi que la diffamation (art. 173 et 174 CP). Dans ce cas, on punit essentiellement celui qui exprime ou diffuse des faits faux (portant atteinte à l’honneur) sur une personne. En revanche, l’infraction d’injure (art. 177 CP) sanctionne les propos diffamatoires. Dans le contexte des jeux vidéo, les délits d’atteinte à l’honneur sont surtout commis dans les chats ou les forums en ligne sous forme d’injures.

Menace

La loi prévoit une peine pour celui qui effraie ou fait peur à quelqu’un par des menaces graves (article 180 CP). La définition d’une menace grave dépend fortement des circonstances. Ainsi, même les menaces qui ne sont pas sérieuses sont punies, pour autant que l’auteur prétende pouvoir influencer la réalisation du mal. La menace doit dans tous les cas pouvoir effrayer la victime et présenter ainsi une certaine gravité. Les menaces, sérieuses ou non, de quelque nature qu’elles soient, proférées sur des forums ou des chats en ligne peuvent donc être considérées comme des menaces au sens du code pénal.

Coercition

Le délit de contrainte est un peu plus grave et plus étendu que la menace. Il s’agit de contraindre une personne à adopter un comportement déterminé en usant de violence, en la menaçant d’un dommage sérieux ou en l’entravant de « toute autre manière dans sa liberté d’action » (article 181 du Code pénal). Dans un environnement de jeu virtuel, la contrainte par la violence ou la restriction de la liberté d’action ne devrait généralement pas être possible, car l’acte doit être dirigé contre une personne (réelle). En revanche, la commission d’une infraction par « menace  graves » est plus importante. Comme nous l’avons expliqué dans la section précédente, la menace ne doit pas nécessairement être sérieuse et les conséquences envisagées doivent être d’une certaine gravité. Ainsi, un joueur qui contraint un autre joueur à un certain comportement (réel) en le menaçant est punissable.

Menaces alarmant la population

Selon l’article 258 du Code pénal, est punissable celui qui jeté l’alarme dans la population (en Suisse) par la menace ou l’annonce fallacieuse d’un danger pour la vie, la santé ou la propriété. L’auteur doit donner publiquement l’impression qu’il existe un danger réel ou fictif. En conséquence, un plus grand nombre de personnes doit se sentir menacé, raison pour laquelle la menace doit au moins paraître sérieuse. Dans ce sens, une certaine gravité de l’acte est également requise. Il n’est toutefois pas possible de tracer une ligne de démarcation nette entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Dans le domaine des jeux, il est possible d’effrayer la population en diffusant des messages dans les jeux informatiques : Les jeux au contenu d’extrême droite peuvent communiquer une menace réelle pour les membres de certaines ethnies ou confessions. Cela peut constituer une infraction au sens de l’article 258 du Code pénal et avoir des conséquences pénales pour les développeurs de jeux. La menace doit toutefois revêtir une certaine gravité, raison pour laquelle le seuil de punissabilité est plutôt élevé, du moins dans cet exemple. Les éléments constitutifs de l’infraction sont en tout cas réunis en cas de propos sérieux et menaçants tenus par le biais des médias de masse.

Provocation publique au crime ou à la violence

Celui qui aura provoqué publiquement à un un crime (ou un délit impliquant des actes de violence contre des personnes ou des choses) sera puni conformément à l’article 259 CP. L’appel doit être insistant et donc susceptible d’inciter les destinataires à commettre une infraction. En outre, elle doit être publique, ce qui est le cas lorsque l’appel s’adresse à un cercle de personnes plus large ou indéterminé. Le comportement est également punissable si l’appel n’est pas suivi. Une incitation publique dans le monde virtuel à commettre un crime dans le monde réel est en principe punissable. Ainsi, les appels correspondants dans les jeux informatiques, les chats ou les forums en ligne peuvent notamment entraîner des conséquences pénales.

Discrimination raciale

La discrimination raciale en rapport avec les jeux vidéo est actuellement particulièrement explosive. L’article 261bis du code pénal punit la discrimination raciale. Il s’agit en principe de comportements qui rabaissent ou discriminent des personnes d’une certaine ethnie, race, religion ou orientation sexuelle. La disposition pénale englobe les comportements les plus divers, qui doivent en principe avoir lieu en public. Sont notamment punis l’incitation à la haine et à la discrimination, la diffusion d’idées discriminatoires et, de manière générale, le fait de discriminer ou de rabaisser. Le caractère répréhensible ou non d’un comportement dépend fortement du cas d’espèce. Toujours est-il que l’acte ou les propos doivent revêtir une certaine gravité. Dans le contexte des jeux, le développement et la publication de jeux informatiques incitant à la haine et à la discrimination ou servant à diffuser des idées discriminatoires sont liés à des conséquences pénales. La prudence est particulièrement de mise dans les chats et les forums en ligne qui sont accessibles au public.